Ma thèse en 180 secondes

Mathématiciens, magiciens… ces deux mots se ressemblent, vous ne trouvez pas ? Et pour cause, je vais vous révéler quelque chose : les mathématiciens ont des pouvoirs magiques… et certains s’en servent pour créer des dinosaures…

Les dinosaures qui m’intéressent sont appelés Arikiosaures. Les mathématiciens les construisent à partir des algèbres d’Ariki–Koike. Une algèbre, vous savez ? C’est juste un nom barbare pour dire que l’on peut faire des additions, des soustractions, des multiplications… comme ce que vous faites avec les nombres ! … mais les mathématiciens font ça avec des nombres un peu plus compliqués. Avec les nombres compliqués qui m’intéressent, vous voyez j’ai justement représenté un Arikiosaure.

Des mathématiciens ont réussi à placer des Arikiosaures adultes dans une cage : ils sont ainsi plus faciles à étudier. On appelle cette cage une cellule, comme pour les prisons ; on dit que l’algèbre d’Ariki–Koike est cellulaire. Je vous rassure, ces Arikiosaures magiques n’y sont pas malheureux.

Moi, je m’intéresse au bébés Arikiosaures. Pour les créer, on utilise seulement une petite partie de l’algèbre d’Ariki–Koike ; cette petite partie est appelée sous-algèbre. Je voulais savoir si cette sous-algèbre était cellulaire, autrement dit je voulais trouver un moyen de mettre les bébés Arikiosaures dans la cage précédente. Ça n’est cependant pas si simple : les bébés arrivent à se faufiler entre les barreaux ! Je devais donc trouver un moyen de les faire rester durablement dans la cage.

La seule façon d’y arriver, c’est de faire jouer les bébés Arikiosaures à un jeu de mon invention que j’ai nommé « jeu des escaliers » ; tant que les bébés Arikiosaures jouent, ils restent à l’intérieur de la cage. Ce jeu des escaliers consiste à disposer deux groupes de jetons sur le sol, disons six jetons rouges et six jetons bleus. On construit alors deux formes qui ressemblent un peu à des escaliers, comme celles que vous voyez à gauche sur l’écran. En mathématiques, on appelle ces escaliers des diagrammes de Young. Remarquez qu’il faut alterner les couleurs de jeton et tous les utiliser. Ensuite, c’est au tour des bébés Arikiosaures : ils doivent reprendre les jetons et les redisposer pour construire deux escaliers aux formes cette fois identiques, comme ceux que vous voyez à droite sur l’écran.

Après de longs calculs, j’ai démontré qu’il existe toujours un moyen de gagner le jeu : on peut toujours réussir à reconstruire deux escaliers aux formes identiques, quelque soient les deux escaliers du début. Ce résultat m’a contrarié : une fois le jeu terminé, les bébés Arikiosaures sortiront de la cage ! Autrement dit je n’ai pas réussi à les faire rester à l’intérieur…

Je n’ai donc pas montré que la sous-algèbre est cellulaire. C’est cependant loin d’être un échec car j’ai montré un autre théorème, tout aussi intéressant : on peut toujours gagner au « jeu des escaliers ». Vouloir démontrer un résultat et aboutir sur tout autre chose : c’est aussi ça, la magie de la recherche !